Le tombeur

Publié le par houda zekri

Le Tombeur

 

Tous mes projets tombent à l’eau. Je suis un vrai tombeur ! Un jour que j’essayais de tomber une femme dans l’escalier de mon immeuble en lui déclarant qu’elle ne pouvait pas mieux tomber puisque j’étais un brin causeur, moitié célibataire et moitié coureur et qu’elle allait donc devoir m’accompagner dans ma modeste demeure, elle me flanqua une de ses gifles !! J’en suis tombé à la renverse, de tout mon long.

Ma chute fit tomber sa colère, elle m’aida à me relever en me déclarant à son tour : Vous êtes tombé sur la tête, il faut être malade comme un chien, perverse comme une autruche pour faire une proposition aussi indécente à une femme comme moi ».

« Vous avez raison, vous scrutant de près, je vois que vous avez les épaules et les joues tombantes, le nez crochu et les yeux pétillants. Cela tombe sous le sens, vous êtes une célibataire endurcie qui n’aime pas se faire malmener par un malotru, à la nuit tombante dans des escaliers délabrés. »

Elle me flanqua une autre gifle, je tombai dans ses bras, elle me repoussa, quoique avec douceur, en me disant : « Vous signez là votre arrêt de mort, vous tombez en disgrâce, je vous prie de ne plus m’adresser la parole ».

M’agenouillant entre deux marches je lui dis « Madame, je tombe de désespoir ! Ne laissez pas tomber un pauvre monsieur qui vient juste de vous trouver et qui tient à vous retrouver. Acceptez mon invitation, laissons tomber les barrières, et venez vous installer sur mon confortable canapé, je vous offrirai du thé et nous passerons tout de suite aux choses sérieuses car ma femme rentre à vingt-et-une heures pile ».

Toute remuée par ma proposition et ne pouvant résister à la tentation, elle me dit : « Les bras m’en tombent Monsieur, je suis vraiment stupéfaite ! Vous êtes terriblement tombeur mais ostensiblement gaffeur, mais votre proposition ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Moi aussi, j’ai un mari tombé en ruine depuis belle lurette, qui dîne à dix-sept heures et se couche à dix-huit heures tapantes... »

Et moi fanfaron que je suis, je lui dis : « Nous voilà tombés d’accord, il faut juste se mettre d’accord, jamais nous ne tomberons amoureux l’un de l’autre. Ma femme ne souffre pas la concurrence ».

Elle, sûre d’elle-même : « Vous me plaisez jeune homme, vous prenez tout ce qui vous tombe sous la main. Je suis prenante ».

La Dame de l’escalier et moi sommes allés chez moi. Tout s’est bien passé. Nous tombions de fatigue après moult soubresauts extra-conjugaux, nous avons alors sombré dans un sommeil profond. Ma femme est rentrée, elle est tombée sur nos deux corps enlacés. Sa première réaction a été de se laisser tomber sur un fauteuil rouge capitonné. C’est bien-sûr ma chère épouse qui m’a narré dans les détails sa fameuse trouvaille dans une lettre que je garde depuis, accrochée dans mon salon dans un cadre en argent. Sa première surprise passée, ma femme opta pour une solution radicale ; elle me laissa tomber. Depuis, je dévale les escaliers en vitesse, évitant ainsi de tomber nez à nez avec une éventuelle tombeuse bien rôdée.

 

Houda Zekeri

Le 13 ma

Publié dans théâtre

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