Kerkennah; la décrépitude s'accélère

Publié le par houda zekri

A la recherche de Kyrannis

 

Quatre ans que le sel de l'exil kerkennien fait gercer mes lèvres, telle Pénélope je ne fais que défaire la trame de mes souvenirs déjà ternis, je décide alors de leur donner une seconde jeunesse ou plutôt d'en créer d'autres...

Me voilà sur l'un des "loud" consacrés à cette traversée aux allures de pèlerinage, je m'apprête à fermer les yeux, à humer le parfum lointain du pays qui se rapproche, mais je suis subitement ramenée à la dure réalité; le "loud" n'est qu'une décharge géante où s'amoncellent des déchets de toutes sortes, le plastique y est dominant, les couleurs se mêlent, les odeurs pestilentielles aussi, s'offre alors aux yeux et aux narines un spectacle désolant, c'est l'apocalypse à la kerkenienne...

Ce n'est pas d'un "septième" bateau prétendument "neuf"  et qui porte -à peine cachés- les stigmates d'une vie antérieure ,que les Kerkenniens ont besoin; les Kerkenniens ont besoin qu'on leur fasse prendre conscience de l'importance de la sauvegarde de leur environnement, il faut éduquer l'insulaire kerkennien , il faut lui expliquer avec moult détails que le bien commun existe et qu'il faudrait juste le cultiver, car la propriété n'est pas que privée, Kerkennah est notre bien à tous, notre perle à tous, nous dont la terre a longtemps été considérée comme lieu d'exil, et c'est sur le "Loud" que commencent à s'éteindre les flancs de notre île...

Me voilà arrivée, je descends, je promène mon regard sur cette étendue de mer et de terre qui m'est chère, hélas, partout des immondices , je me console, j'enfouis mon amertume au fond de moi et cède à la joie de retrouver Ouled Bouali, Sidi Said et ces voisins immémoriaux qui ne changent jamais, mais le spectacle me hante, car là où la mer caresse de son écume la terre, des dizaines voire des centaines de bouteilles s'entassent, se mêlant  à nombre de détritus: des pastèques en décomposition, des traces de festins bien arrosés...

On trouve de tout sur les plages de notre île car elle est aujourd'hui le paradis des éboueurs, et nul ne semble dérangé par cet aspect des choses, lavons les têtes des Kerkenniens, et surtout de ceux qui n'y vivent pas toute l'année, ceux qui sont là juste pour des vacances et qui abandonnent en arrivant sur ce sol ô combien dégarni ,aussi bien le réveil matinal que leur conscience!!

Ne pourriez-vous pas , vous qui prétendez aimer cet havre de paix, consacrer ne serait-ce qu'une journée de votre séjour à débarrasser  Kerkennah de cette saleté qui la rend désagréable, au lieu de multiplier les manifestations "culturelles et patrimoniales", apprenez aux jeunes la praxis de l'amour de la patrie, l'amour n'est pas qu'un vain cérémonial qu'on exhibe à des touristes affamés de folklore, organisez des visites au musée de AL-Abbasiya, montrez aux jeunes leur passé, apprenez-leur à en être fiers pour qu'ils puissent construire un avenir meilleur aussi bien pour eux que pour cette île délaissée qui n'a qu'un prestige éphémère qui ne dur que le temps d'une visite royale...

KERKENNAH a besoin d'être revisitée, il faut changer le regard que certains daignent lui porter, Kerkennah n'est pas que puits de pétrole ou de gaz, Kerkennah n'est pas que le bouffon des touristes anglais ou autres, Kerkennah souffre, le cancer l'a rangé, et le virus qui l'a atteint est le Kerkennien lui-même, un Kerkennien qui a abandonné la conscience de sa spécificité et qui a sombré dans l'aire de la consommation aveugle, kerkennah n'est que "montazahat" sonorisés, n'est que "carrelages" et "soufflets", le Kerkennien a cessé d'être un révolté, aujourd’hui le kerkennien est comme l'a dit De La Boétie: "Un serf volontaire"

Kerkenniens vous savez ce qui reste à faire pour libérer votre terre du miasme dans lequel elle s'englue, c'est par la jeunesse kerkenienne que nous pourrons changer la donne, en gardant toujours la tête haute et en reste fidèle aux plus grands qui ont fait dans le passé notre fierté

 

Paris le 4septembre 2007

Houda ZEKRI 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
H
merci, plusieurs aspects que je ne connaissais pas de l'archipel !
Répondre