La Création entre Etiologie et Eschatologie, de la Torah au Coran (V)

Publié le par houda zekri

  c/ La chute ou quand l’Homme devient mortel :

Pour Pélage,[58] « le péché originel vaut pour le seul Adam. Il n’y a plus dès lors de péché originel. La nature humaine n’est pas blessée (…), il suffit de suivre le commandement de Dieu pour être sauvée ».Le texte coranique va plus loin, car Dieu, dans sa miséricorde pardonne à Adam son péché (Sūrat ţah, XX, verset 122), mais cela n’empêche pas la chute de nos premiers aïeuls. Certes le Qur’ān, n’abonde pas en détails, en ce qui concerne cette condamnation, comme le fait la Bible, mais sa conséquence, reste néanmoins, primordiale, car elle signe la transformation inéluctable du « démiurge », en « humain », en mortel.

En effet l’homme, à partir de ce moment là devient « périssable », il naît en sachant qu’il va mourir un jour, la mort de vint la sœur jumelle de la vie, et tous les hommes deviennent alors de simples « talons d’Achille », que rien ne sauvera du « repos éternel ».

III/ L’Homme ; une parcelle divine qui se meurt :

Quand l’Homme meurt, c’est quelque part, Dieu qui meurt, chaque jour un peu, car l’être humain reste lié à son créateur, par le souffle, qu’il a bien voulu lui insuffler, pour lui donner vie .D’ailleurs la mythologie grecque, fait de sa Théogonie, la reproduction fidèle de la vie des hommes ; Zeus pour peupler, et meubler l’Univers, multiplie ses amours, et ce n’est là qu’un seul exemple parmi tant d’autres.

L’homme dans les trois monothéismes- et en particulier dans le Christianisme où il est considéré comme le Fils de Dieu- est considéré comme le représentant de Dieu sur terre (ħalīfatu Allāhi ‘alā Al-Ar ďi).

     1/ Le souffle de Dieu ou l’âme :

Dans la mythologie grecque, et dans l’une des quatre versions de la création de l’homme, c’est Prométhée qui aurait pétri les hommes dans l’argile et les aurait animés du souffle d’Athéna. Pour ce qui est de la création d’Adam, dans la Bible ou dans le Qur’ān, la fresque « La création de l’homme »de Michel-Ange (1508-1512), réalisée sur la voûte de la chapelle Sixtine, illustre merveilleusement bien cet acte : « La rencontre de Dieu et d’Adam se fait dans le vide, sur un fond nu qui représente les espaces infinis. (…) Adam est nu et seul sur son rocher à gauche. Dieu à droite, est comme emporté par le tourbillon de sa puissance que symbolisent le mouvement de son vêtement rose- violet et la foule des anges qui lui font un support vivant et mystérieux». « (…) La vie se communique à Adam au moment où son index et celui de Dieu se rejoignent (…), rencontre extraordinaire de deux univers au moment du contact physique des deux doigts, instant où se communique l’étincelle de vie[59]»

Le dieu biblique a communiqué à l’homme un peu de sa vie, donc un peu de son éternité à travers la création de l’âme (du latin anima et du grec anémos qui signifie le vent), qui est d’ailleurs inséparable du souffle (l’idée est également présente dans spiritus : l’esprit qui se rattache à spirare, respirer).

Cette âme est le privilège exclusif de l’homme sur terre, elle est parcelle de divinité incarnée en l’homme. Et à la différence de l’âme platonicienne, l’âme chrétienne n’est pas un principe de pensée mais de vie éternel, en somme, une création « spéciale » de Dieu.

                 a/ Dualité de l’homme ; entre terrestre et divin :

Al-Qur’ān abonde en énumérations sur les matériaux « terrestres », qui ont servi à la « fabrication » de l’homme : « sable[60] », « glaise[61] », « argile séchée[62] », « terre cuite[63] », « bourbe[64] », « eau » etc. La Bible mentionne quant à elle, « l’utilisation » de « sol humecté », de « poussière détachée » pour la création d’Adam.

Le premier homme donc, est le résultat d’une putréfaction d’éléments périssables, de matières pourries, il est l’aboutissement d’un mélange d’eau et de sable,il n’est pas constitué de feu ou de lumière pure, comme c’est le cas pour ’Iblīs ou pour les anges, il est en conséquence irrémédiablement terrestre.

Les autres hommes aussi, sont constitués de différents mélanges, et Al-Qur’ān les décrit, en détaillant les phases évolutives de la création de ces mortels. Ils sont « semences mélangées de l’homme et de la femme » (nuţfa), « gouttes de sang accrochés à l’utérus de cette dernière » (‘alaq), « morceaux lilliputiens de chair » (muďġa), « os »[65], et tout un tas d’autres matières.

Mais si l’homme est aussi « terrestre », d’où lui vient cette parcelle divine, qui fait sa fierté ? Probablement de son entendement, car s’il est instinct, il est aussi Intellect, s’il est bestialité, il est aussi raison.

Et comme disait Boèce : « Dieu est Intelligence, l’Homme est Raison », puisque l’Eternel, dans son Intelligence Suprême, a transmis à l’homme, une partie de cette faculté à travers « l’âme pensante », lui permettant ainsi de se distinguer des animaux.

L’homme/conscience est alors quelque part divin, puisqu’il dispose de libre arbitre, puisqu’il est libre d’opter pour tel ou tel choix, puisqu’ il est capable de se constituer une Ethique (du grec êthicos, moral, de êthos, mœurs), c'est-à-dire de s’imposer « un ensemble de règles et de normes de comportements ».

     2/ Le retour à la Terre, le retour à la Poussière :

Dans la Genèse Dieu dit à l’homme, après qu’il ait commis le péché des péchés : « Tu retourneras à la terre d’où tu as été tiré, car poussière tu fus, et poussière tu redeviendras ». L’homme est donc condamné à mourir, condamné à se confondre avec les éléments de la nature, dont il a voulu toute sa vie se distinguer, son enveloppe charnelle n’est que de courte durée, son corps enterré sera rongé par les vers, jusqu’à sa disparition complète. Quel destin funeste, pour une créature aussi distinguée que l’homme !

Mais l’humain ne cède pas au désespoir, son aspiration à une vie éternelle n’est pas complètement détruite, et cet espoir, il le trouve dans les Livres, dans la notion de « dernière demeure ».

             

Publié dans philosphiquement autre

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